Brusseau

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Rapport scientifique #2 : résumé (version longue)

Notre abondant rapport est le fruit d’un choix, d’une volonté de « démonstration » et de narration à la fois. Il s’agit aussi que tant experts professionnels et profanes trouvent une place de choix. Il faut voir ce rapport scientifique se construisant de manière bottum-up, comme une spirale ascendante, allant des éléments les plus terriens vers les questions les plus génériques. La dynamique est itérative et récursive, ce qui amène une part de redondance. Nous voulions laisser cela visible.

Mais cette approche en fait un document copieux et, nous le savons, son épaisseur n’aide pas à la lecture.

Dès lors, comment vous aider à vous orienter ? C’est à cela que tente de répondre cette ‘Aide à la lecture’, qui propose des abstracts de chacune des parties et situations.

Un conseil ! Si vous n’avez que peu de temps, nous vous proposons de lire dans le rapport scientifique 2 les parties 3 et 4 dans leur entièreté (un peu plus de 20 pages). Et dès lors de vous pencher sur les autres parties en lisant les abstracts ci-dessous.

Merci de votre compréhension.

Partie I Introduction générale

 

 

Cette partie rappelle la place de ce rapport scientifique par rapport au précédent et en lien avec à la nécessité de répondre aux questions de recherche. Ce rapport se propose en outre de formuler un passage entre science de la nature (ou sciences appliquées) et sciences sociales, tout en proposant de partir des situations sur lesquelles nous travaillons1 pour monter en généralité. L’introduction explique le parcours en spirale pris par le rapport. En partant des situations, de la production des savoirs qui s’y jouent et des nouvelles questions qu’elles posent, le rapport propose des apports aux questions de recherche pour déboucher vers une connaissance plus générique.

En fin d’introduction on retrouve l’ensemble des questions de recherche détaillées.

Une situation est l’agencement d’un ensemble d’éléments qui forment une problématique socio-hydro-technique reconnue par un certain nombre d’acteurs (habitants, chercheurs) et sur laquelle il y a «prise» pour tenter d’influer sur le cours des choses dans une perspective de renforcement de la résilience du territoire face aux inondations, notamment. Toute situation est portée par une communauté d’acteurs qui est localisée sur/dans un espace géographique des différentes échelles, qui ne recouvre pas nécessairement le périmètre d’un des sous-bassins versants tels que présentés dans le dossier de base.

Part II — Production de savoirs dans quatre situations

 

Les quatre situations sont localisées sur les deux périmètres des CHs de Forest Nord et Sud, alors que le projet Brusseau agit aussi dans la vallée du Molenbeek à Jette et Ganshoren. Il y a plusieurs raisons à cela : des raisons hydrologiques, administratives, etc. Mais il en est une plus déterminante : l’action approfondie de mobilisation sur les questions de l’eau à Forest avait commencé des années plus tôt, avant le démarrage de Brusseau, permettant un développement plus rapide.

 

La partie II présente les quatre situations choisies en les appréhendant dans ce qu’elles produisent comme savoirs hydrologiques ou historiques, mais en tenant compte aussi des contextes humains dans lesquels ces savoirs ont été générés, ainsi que les conséquences sociales et politiques qu’ils induisent sous forme de discussions. Les situations présentées2 sont différentes à tout point de vue : état d’avancement, échelle géographique, questions socio-politiques. Ainsi, elles répondent de manières complémentaires aux questions de recherche. Les quatre situations abordées sont divisées en autant de chapitres que de type de production de connaissance expert ou profane le nécessite, en se terminant par un chapitre de discussion sur les nouveaux problèmes générés et conséquences que génèrent les « découvertes » des chapitres précédents. Ces problèmes sont présentés comme une série d’équations.

 

Situation 1 — Le bassin d’orage du Square Lainé est-il bien nécessaire?

 

C’est pour le moment la situation la plus aboutie en terme hydrologique. L’idée de remettre en question le bassin d’orage (BO) du Square Lainé était portée par certains des partenaires de Brusseau avant même l’existence de Brusseau. Elle est reprise ici et renforcée par certaines dynamiques de la CH Forest Nord. Nous formulons ici la thèse validée scientifiquement et techniquement de la remise en question de ce BO. Plus particulièrement, nous montrons la manière dont se construisent les hypothèses des habitants et partenaires autour de promenades sur site et de cartographies participatives chapitre 1). La situation inclut également une synthèse de l’étude Aquatopia (chapitre 2) qui montre clairement qu’il y a un fort potentiel d’infiltration dans la zone et un potentiel hydrologique des Nouvelles rivières urbaines. Suit l’étude spectrale de la zone (chapitre 3) étudiée qui mène une comparaison avec l’étude menée par ViIVAQUA (opérateur de l’eau) sur cette même zone il y a 3 ans. Cette étude montre une nette différence sur les capacité hydrologiques de la zone étudiée. Enfin, une modélisation hydrologique est proposée (chapitre 4) qui montre avec précision les types de dispositifs possibles en faisant un calcul des volumes d’eau qui ne vont pas aux égouts et le coût que cela représente. Ainsi, d’un point de vue hydrologique dans cette morphologie urbaine, il n’y a pas de raisons de construire le BO. Ce qui est ensuite montré succinctement (chapitre 5), c’est que dans le périmètre considéré opèrent un grand nombre d’institutions publiques qui mènent des projets d’aménagement de l’espace. Ils pourraient tous avoir une responsabilité en matière de gestion de l’eau en plus des Opérateurs classiques. Le chapitre 6 mène une discussion appuyée sur ce que requiert l’idée de ne pas faire le BO Lainé en analysant les questions financières, temporelles, environnementales et sociales, politiques et en termes de risques. En conclusion, Brusseau propose d’accélérer les choses en proposant de créer une Table ronde sur la question du BO Lainé avec toutes les parties concernées.

Situation 2 — L’étude hydrologique du Contrat de rénovation urbaine avenue du Roi pour tout le sous-bassin versant.

 

Cette situation se concentre sur la participation de Brusseau à une étude «complète» hydrologique sur l’ensemble du versant Nord de Forest, intégrée dans le Contrat de rénovation urbaine de l’avenue du Roi (CRU 4). On y explique la manière dont s’est construit ce rapport (Introduction), ainsi que le rôle particulier que Brusseau joue comme co-pilote à la maîtrise d’ouvrage aux côtés de Bruxelles Environnement (chapitre 1), ce qui est déjà une réussite. Le cahier des charges reprenant ce que le bureau d’étude devra utiliser les résultats des travaux de Brusseau. Cette situation montre comment les intentions, demandes et savoirs des habitants, entre autres, se traduisent en questions hydrologiques qui intègrent le cahier des charges de l’élude CRU4 (chapitre 2). À partir de là de nombreuses questions se posent (chapitre 3). L’une des principales questionnant les temporalités et amenant à ce commentaire du rôle « pont » que permet Brusseau (chapitre 3). D’autres projets comme celui du contrat de quartier permettant de toucher des publics nouveaux ont lieu sur la zone, comment phaser dès lors les différents projets et études? Au moment de l’écriture de ce rapport, nous sommes encore loin des résultats de l’étude, mais la mise en place des bases de la gouvernance de cette étude fait partie de ce qui contribuera aux résultats recherchés.

Situation 3 — L’Abbaye de Forest, plaque tournante de la gestion de l’eau à Forest Sud?

 

L’Abbaye de Forest et son site vont bénéficier d’un projet de réaménagement important grâce à un budget FEDER, il s’agit du projet ABY. Ce programme est contigu à celui du Contrat de quartier durable Abbaye en cours et qui doit revaloriser le cœur de Forest. Déjà les questions de l’eau y ont pris une place importante, le site de l’Abbaye peut-il devenir une plaque tournante en matière de gestion de l’eau décentralisée? La CH Forest Sud composée de plusieurs habitants ayant un intérêt marqué pour l’histoire du site a voulu en savoir plus et notamment en ce qui concerne l’évolution de la place de l’eau dans ce paysage (chapitre 1). Leurs recherches convergent avec celles des archéologues engagés par la commune, l’Abbaye fut longtemps une plaque tournante de la gestion de l’eau avant que ce denier élément ne disparaisse du paysage. Peut-on renouer avec cette histoire passée en matière d’eau et de paysage? Cette question est renvoyée aux hydrologues et écotechniciens (chapitre 2). La situation montre par la visite de pertuis et l’analyse des pentes et des ruissellements, comment l’ensemble des eaux des sous-bassins versants peuvent converger vers le site de l’Abbaye et bien entendu trouver un exutoire pour que l’eau ne s’accumule pas. Néanmoins, si l’eau revient sur le site, la question des usages du site va se poser (chapitre 3). La CH de Forest Sud s’empare de cette question et établit plusieurs hypothèses d’usages du site. Cette situation ouvre une nouvelle discussion (chapitre 4). En effet, des experts commandités pour mener le projet d’architecture du paysage et du bâti fixent l’époque de référence de l’Abbaye à celle de l’âge classique. La CH Forest Sud, dans la continuité de la recherche historique et en dialogue avec la question des usages, veut réhabiliter plusieurs époques de référence et pas seulement une seule. Il s’ensuit une proposition de remise en question de l’établissement des époques de référence par des experts non intégrés aux situations et affaiblissant de la sorte la diversité des usages. En conclusion, des connaissances historiques plus poussées et des connaissances hydrologiques confirmées permettent de formuler une nouvelle hypothèse forte sur le rôle du site de l’abbaye et de ses jardins pour structurer la gestion de l’eau pour l’ensemble du versant Sud de Forest.

 

 

Situation 4 — Ilot d’eau Le Retour, Les Collectifs — petite échelle, grands défis

 

Le projet Ilot d’eau (l’élaboration de dispositifs de gestion collective en intérieur d’îlot) est né dans le cadre du Contrat de quartier durable Abbaye (avant l’existence du projet Brusseau, mais avec des membres de l’équipe). Le projet a vécu des vicissitudes qui n’ont pas permis de mener certaines réalisations à leur terme. Brusseau, a repris ce projet avec le nom Ilot d’eau Le Retour pour tenter de le mener au bout et surtout de mener une réflexion le concernant (Introduction). La situation est composée par l’interaction des deux collectifs dhabitants pour illustrer comment la co-création permet de mener un projet mitoyen. Dans le premier collectif (chapitre 1), même si seulement deux voisins qui se respectent et se connaissent sont impliqués, la complexité relationnelle et la recherche de solution nécessite déjà de la part des concepteurs de faire des propositions créatives. Le projet toutefois a été mené à son terme et a pu être réalisé, aussi grâce au fait que les deux familles impliquées en ont les moyens matériels. Le deuxième collectif a impliqué cinq voisins (chapitre 2). La recherche créative s’en trouve complexifiée, mais la relation de respect entre voisins permet de trouver des solutions socio-techniques simples et créatives. Néanmoins, certaines familles n’ont pas les moyens financiers pour participer à la réalisation d’un dispositif commun. C’est pourquoi il était prévu initialement avec la commune une aide financière sous forme de prime. Mais pour des raisons encore non expliquées, le choix du type de prime proposé par la commune ne correspond pas au choix du type de projet socio-technique opéré dans cette situation. La réalisation dès lors n’a pu se faire. En conclusion, cette situation ouvre sur des champs de questions spécifiques que sont les espaces privés et mitoyens (chapitre 3). Ici les personnes concernées sont les habitants mêmes des parcelles impliquées dans la co-création de dispositifs décentralisés de la gestion de l’eau. De tels projets sont du ressort du privé mais ouvrent sur les communs, c’est-à-dire que tout est à inventer et la question est bien plus politique que l’on imagine. La situation montre que les îlots bruxellois ne sont pas des îles perdues sans connexions, il participent à la gestion durable de l’eau de pluie.

Part III – Apports aux questions de recherche par situation

 

Cette partie discute, situation après situation, de ce que chacune d’elle apporte au regard des questions de recherche initiales (reprises dans l’introduction du rapport scientifique). Ainsi, elle a pour objectif de montrer les conditions de validité des CHs comme producteurs de connaissances et leurs limites. C’est dans ce cadre que naît la notion de «demande commune» qui s’oppose à / complète la commande publique / privée et de sa «prolifération».

La situation 1 ouvre la discussion sur le potentiel des outils décentralisés et la modélisation des flux via des propositions concrètes, sur le rapport entre experts et habitants ou entre la CH et institutions, sur l’intégration des institutions entre elles et sur les moyens de financer la gestion décentralisée. Plus particulièrement, la situation a permis de prendre conscience de la notion de «demande commune». Ce ne sont pas les habitants des communautés hydrologiques qui ont commandé aux hydrologues d’étudier la situation. Mais c’est ensemble à la suite du travail de cartographique collaborative, notamment, que la question arrive telle une demande commune. La CH Forest Nord composée par des habitants et des experts, fait donc la demande à ces derniers d’étudier scientifiquement la question et d’en faire des modélisations en terme de gestion de l’eau à la source. Il s’agit d’un travail de traduction ou le paysage se calcule en m3 d’eau qui ne vont pas aux égouts traduits, eux-mêmes traduits en coût de réalisation. etc. Ce savoir là pour être réalisé doit pouvoir perforer au sein des dynamiques institutionnelles qui doivent faire leurs cette demande. C’est ainsi que cette demande commune doit pouvoir proliférer : la remise en question du BO doit devenir une question commune entre CH Forest Nord et les institutions pour produire une nouvelle demande d’action commune. Ce qui est en cours.

La Situation 2 a permis de contribuer aux questions de recherche concernant le plan hydro-technique et de l’écologie urbaine, la légitimité de Brusseau et la gouvernance. En outre, elle a apporté des connaissances sur un mécanisme où la demande commune impacte directement la commande publique. Ce qui est étudié, c’est la manière dont s’opère la traduction des demandes citoyennes et leurs intentions portées par des valeurs diverses en questions d’étude hydrologique.

La situation 3 sur l’Abbaye de Forest a discuté l’importance des aspects historiques en relation avec le potentiel hydrologique et la modélisation des flux, le rôle de la communauté hydrologique comme acteur de la recherche, le rapport entre «experts» scientifiques et «profanes» et les questions de gouvernance et économiques. Ainsi, la situation a montré comment la demande commune de proposer ce site comme intégrateur de la gestion de l’eau qui commande tous les sous-sous bassin versants vient à être bloquée par la question de l’époque de référence. La CH Forest Sud a tenté de contourner cet obstacle en proposant une diversité d’époques de références, comme on l’a vu plus haut. Mais comment faire valoir ce nouveau regard ?

Car il est un autre problème, la dynamique de production de savoir et experte que propose Brusseau ne trouve pas l’agencement institutionnel de son hybridité. Soit l’expertise est professionnelle et dès lors elle n’est reconnue que dans le cadre de la commande publique (suivant les codes du marché), soit elle est citoyenne et passe par les instances de la participation qui ne voit que des monades et recueille des « opinions ». Ici Brusseau pour traiter de la demande commune est obligé de bricoler !

La petite échelle de la Situation 4 a permis d’avoir une vue complète et détaillée du cycle de co-conception, co-construction et de maintenance de systèmes décentralisés. Ainsi, nous questionnons les défis de la participation active des habitants tout au long du processus (de l’élaboration des propositions à leur mise en œuvre et leur entretien), la difficulté d’inclure les publics les plus défavorisés par la co-création et la mesure dans laquelle l’expertise et le diagnostic des habitants permettent d’affiner la modélisation des flux. La demande commune dans la situation 4 précède la commande privée ici. Le travail de collaboration au niveau des îlots est pertinent et jouable, mais il n’est pas entendu par l’intérêt général qui le néglige. Cette approche pourrait apporter des solutions face aux enjeux du réchauffement climatique, notamment, et de faire de l’eau de pluie une ressource et pas un élément jetable.

Part IV De la demande commune au Parlement des choses de l’eau

 

En conclusion de ce rapport, une première discussion transversale s’ouvre sur la capacité de notre dispositif de recherche à élaborer un méta-savoir sur ce qui a été produit, ce que nous appelons aussi des connaissances génériques. En outre, c’est aussi une contribution au rapport aux institutions que se discute ici, mais plus spécifiquement, comment instituer nos communautés hydrologiques à partir des expériences de nos situations.

La notion de «demande commune» pourrait être le concept qui donne une clé à cette dynamique instituante. S’instaurant à partir des controverses, elle se situe à l’amont de la réalisation des projets, avant la commande publique ou la commande privée, à moins qu’elle vient s’y infiltrer. Elle génère des études et des choix communs, elle indique une aventure commune en train de se faire. La «commande commune» intègre le sens commun dans la constitution de l’expertise, elle recompose la difficile production de connaissances entre faits et valeurs qui étaient autrefois séparés entre productions scientifiques et décisions politiques. La «demande commune» prolifère et se déploie de manière réticulaire entre espaces privés et espaces publics, entre intentions individuelles et nécessités des institutions publiques, par un travail de traduction entre dimensions de l’action incommensurables. Nous appellerons «Parlement des choses de l’eau», le continuum d’expérience produit de la prolifération de la demande commune et de ses résultats

Cette conclusion témoigne donc de notre volonté d’une progressive montée en généralité des connaissances produites et, plus généralement, au fil des années. Le rapport scientifique suivant (# 3), fin de l’année 2019, et donc le rapport conclusif de ces trois années de recherche, approfondira ce qui s’ébauche ici et renforcera encore la dimension générique, voire instituante. Entretemps, en effet, nous avons soumis un projet Brusseau dit «Bis», qui pourrait prolonger les savoirs acquis par la recherche-action participative pour les éprouver cette fois dans une dynamique de développement expérimental, ainsi que le propose Innoviris Co-create. Ceci renforce l’importance d’une réflexion générique à ce stade et dans le futur du projet Brusseau et au-delà.